vendredi 7 septembre 2012

Le mal du siècle

Il fallait bien trouver un titre à ce billet et, en le renseignant sur Wikipedia, je trouve un écho fascinant dans la "mélancolie romantique" à ce que je m’apprêtais à écrire ici . Dès lors, il est superflu de ré-inventer la roue :

"La mélancolie romantique traduit un malaise de l'individu qui ne parvient pas à vivre dans la société. (...) C'est la révolte par dégoût, dégoût de l'avidité bourgeoise, de la société moderne, dégoût pour un présent qui n'a plus de passé ni encore d'avenir, à la fois plein de semblants de ruines et d'espoirs incertains. (...) Elle devient la substance même de la vie, au point de ne pas laisser d'alternative que la révolte ou la mort." (ref)


C'est ça. C'est vraiment ça.
Enfin, il me semble que le mal du siècle se résume en deux concepts : le manque de sens et la résignation.



Il m’apparaît désormais évident que l'Humain n'agit pas d'une façon dont il pourrait s'estimer fier en tant qu'espèce. Alors oui, nous développons sans cesse de nouvelles connaissances et techniques. Ce qui est important, certes. J'estime même être un "science enthusiast" c'est dire si je comprends...
Cependant, d'une part, les scientifiques vous le diront : au plus on en apprend, au mieux on appréhende ce que l'on ignore vraiment. Le résultat des recherches n'est donc pas aussi important que le renouvellement du processus en lui-même. D'autre part, une technique n'est qu'un outil. Un outil ne donne pas de sens à une action, il la rend possible ou la facilite (au mieux).


Ce discours du dictateur campé par Chaplin est magistral et probablement intemporel à plus d'un égard, mais le propos qui m'intéresse ici est le suivant : "Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent dans l’insatisfaction. Notre savoir nous a fait devenir cyniques. Nous sommes inhumains à force d’intelligence (...)" . Ou le résultat d'une victoire perdue par le "pourquoi" sur le  "comment". 

C'est ce que j'appelle le manque de sens

Cela s'applique, comme ici, au monde scientifique et industriel, mais cela s'applique tout autant aux questions environnementales que sociétales ("ce qui nous entoure" "ce qui nous sommes" = tout).
Cela s'applique à tout ce qui compte vraiment pour l'Homme en tant qu'espèce, en tant qu'individu et en tant que visiteur temporaire de notre Univers (bien que jusqu'ici, les problèmes engendrés ne concernent que la planète Terre). Je donne quelques exemples un peu plus tard, après avoir expliqué en quoi -d'après moi- la résignation est complémentaire à cet état de fait(s), encore un peu de patience.

Notez que le romantisme introduit déjà l'idée de révolte et donc l'antonyme de la résignation ("la révolte ou la mort" : c'est choix voulu de présenter des deux mots en opposition, si vous n'êtes pas révoltés donc si vous êtes résignés : vous êtes déjà un peu morts à l'intérieur).

Comme le dit si bien mon vieux pote J.KRISHNAMURTI : « ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade» .
Et de fait, il y'a tellement de choses qui ne tournent pas rond ou qui tournent de travers, qui pourraient être améliorées ou de façon plus équitable, plus sensée du moins...

On en vient au final à faire un choix, un choix très simple au fond : accepter ou refuser.

Cela inclut tous les types de comportements : des patrons de Goldman Sachs totalement insouciants des ravages mondiaux qu'ils provoquent jusqu'aux médecins sans frontières qui dévouent leurs vies à aider leur prochain au péril de leur sécurité... en passant par vous et moi, les modérés qui nous estimons pas trop "méchants" ni trop "gentils".

Les premiers estiment que le monde est déréglé et qu'il vaut mieux en tirer profit plutôt qu'un autre, les seconds estiment que l'ordre des choses n'est pas correct, n'est pas digne de ce que l'Homme peut accomplir et essayent de contribuer à leur échelle.

Je pense que "le dictateur" de Chaplin inclut intégralement l'Humanité dans cette deuxième catégorie de personnes quand il dit "Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions, les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. Nous ne voulons pas haïr ni humilier personne. Chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l’avons oublié"

Et je me demande, l'avons nous oublié ou y avons simplement renoncé?
L'acceptation (ou la résignation) s'arrête là où la révolte commence (et inversement, oui).
L'acceptation va du silence face à la peine de l'Autre (ou à sa propre souffrance!!), jusqu'à la souffrance que l'on crée au Lésé et que l'on déculpabilise aussitôt par l'existence d'un système en place.
Cela que le Lésé soit Bouddhiste ou Musulman, qu'il soit riche ou pauvre, qu'il soit Humain ou "juste" Vivant, qu'il soit individu ou collectif, enfin, qu'il soit entité ou Planète.
La résignation au quotidien c'est surtout des dynamiques de pensées, des cercles vicieux et des phrases assassines et dépourvues de sens.
En voici quelques unes que j'ai relevé et que je continue d'entendre qui révèlent cette résignation si répandue.

Par rapport :

  • au monde "parfois" absurde du travail : 
    • "tu sais, c'est comme ça partout, c'est pas toi qui va changer ça" (et vous avez probablement tous une liste interminable d'exemple pouvait faire office de "ça")
    • "t'amuser au travail? bah regarde autour de toi, y'en a pas beaucoup qui peuvent dire ça alors tu ne devrais pas trop t'en soucier"  ("Work is much more fun than fun" relèverait donc de la fieffée propagande proférée par des vilaines personnes faussement épanouies dans leur job. Puis bon, au fond, ça ne constitue que les 3/4 du temps passé durant ta vie active, pourquoi vouloir y donner un sens ?!)
  • à l'environnement et sa défense : "tu sais, c'est un problème trop global, y'en aura toujours qui pollueront alors j'ai pas envie d'être le seul pigeon à faire un effort" (bah oui, autant creuser nos tombes direct, on s'épargnera un peu de temps et de souffrances)
  • à la politique "de toutes façons ils sont tous pourris et on ne peut rien y changer" (disait un soldat Aztec à son pote Maya.. et pourtant depuis on a aboli les sacrifices.. comme quoi on peut se tromper quand on voit trop petit parfois)
  • à l'éducation "dans notre monde, c'est malheureux mais les bonnes manières et le respect c'est pas nécessaire pour vivre, je vais donc faire de mes enfants des gens adaptés plutôt que d'essayer de changer le monde" (et l'ensemble du corps enseignant ainsi que Krishnamurti se retournèrent dans leurs tombes)
  • à la culture : "je sais que ces programmes sont abrutissants mais j'ai besoin de déconnecter de temps en temps et mettre mon cerveau sur off" (oui moi aussi, je comprends, personnellement je préfère utiliser mon crâne comme burin contre des poutres en acier, ça anesthésie mes autres douleurs et fait chuter mon Q.I. de façon tout à fait satisfaisante.) Là j'avoue, c'est un peu plus subtil. On admet ouvertement le fait que pour se divertir il faut forcément être un peu con-con. Attention : trivial et futile ne signifie pas abrutissant et médiocre.
        aux aberrations sociétales (de l'absence de plein emploi, du gaspillage général des ressources, de l'inégalité des Humains, des questions de liberté, ETC) et aux questions qui comptent vraiment  : "c'est comme ça, on n'y peut rien, autant tirer son épingle du jeu"

Quelque part je me demande si ça n'est pas la différence fondamentale entre la vraie Gauche et la Droite ?





BREF...

Je me sens désarmé par autant d’acceptations douloureuses, autant de résignations même pas forcément conscientes (et ça n'est que la partie immergée de l'iceberg puisqu'il ne s'agit que mon petit entourage).
J'hésite encore entre rage et tristesse, ne sachant pas exactement comment  ne pas renoncer à mon tour. Mais la tristesse ne vient qu'après l'acceptation, je ne peux/veux donc pas y céder.

Alors ce soir, je vais me contenter de détester tout ce qui bouge, comme l'ami Orelsan et d'aller m'pieuter en oubliant tout ça..

Mais je suis sur que demain ça ira mieux...
Demain vous jouerez avec moi et dépisterez et partagerez (ci-dessous) les phrases éparses piochées dans votre entourage mettant en exergue cet âpre sentiment global de résignation. Vous exorciserez ces mauvaises intentions ainsi clouées sur l'autel de nos volontés à vivre mieux. Et après-demain tous ensembles on construira un "Monde meilleur"..

Hein oui ? Hein?

  


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